ITW de Rébecca Laplagne
Le 18ème rendez-vous du Carnet de voyage s’est déroulé du 17 au 19 novembre 2017, à Clermont-Ferrand. Le Club de la presse Auvergne a remis son prix aux lauréats. Le jury avait distingué une grande gagnante, Kei Lam avec Banana Girl qui remporte 500€, et un coup de cœur, « Chronique du 115 : une histoire du Samu social » de la carnettiste Aude Massot.
Rencontres avec les deux lauréates, propos recueillis par Rébecca Laplagne:
Kei Lam
Banana girl est née comment exactement ?
Dans la littérature, dans les séries, au cinéma, rien ne me représentait. Je ne retrouvais pas cette double culture que nous sommes beaucoup à avoir, pourtant l’immigration c’est quelque chose de très présent et je trouvais ça absurde de ne pas me sentir représentée. J’aurais aimé avoir ce livre là étant jeune, alors je l’ai créé.
Que pensent vos parents de votre œuvre ?
Ils sont très fiers bien qu’ils aient un peu peur que je dévoile des secrets. La première chose que ma mère m’a dit c’est : « finalement tu as réussi à retracer l’histoire des émigrés et ça, personne ne l’a fait jusqu’à présent, c’est vraiment bien que tu parles avec du vécu ».
Avez-vous toujours été passionnée de dessin ?
Oui, j’ai toujours dessiné. Mais il est vrai que je n’ai pas osé dire que je dessinais auparavant. Avant j’étais ingénieure en espace public, cela fait seulement deux ans que j’ai décidé de me reconvertir et de me lancer à corps perdu dans ce projet.
De nouveaux carnets de prévus ?
J’avoue que je suis sur le projet du deuxième tome. Je travaille aussi sur un projet de livre jeunesse et j’aimerai beaucoup voyager pour continuer à faire des carnets et ça, je pense que je le ferai toute ma vie.
Qu’est-ce que cela vous fait de recevoir le prix du Club de la presse ?
Je suis très émue. C’est mon tout premier prix et je ne m’y attendais pas du tout car il y avait beaucoup de compétition. Je souhaite remercier tout le monde pour ce prix.
Aude Massot
Pourquoi un carnet de voyage sur le Samu social ?
Le Samu social travaille au près des sans-abris, c’est quelque chose de très spécifique dont on parle assez peu ou mal dans les médias. J’avais envie de le traiter différemment et il se trouve que j’avais une amie qui était éducatrice spécialisée au 115 qui m’en parlait beaucoup. Elle me racontait ses nuits, ses rencontres. J’ai voulu raconter cela en bande dessinée.
Combien de temps avez vous passé à recueillir les propos et témoignages ?
En tout, j’ai passé 1 an et demi à faire l’album, cela ne veut pas dire que j’ai passé toutes ces journées à visiter le Samu social. En l’occurrence j’ai quand même fait des visites ponctuelles très régulières, une fois par mois environ.
Les sans-abris étaient-ils réticents à votre présence ?
Non, je me rendais vraiment auprès d’eux avec les équipes, je mettais le gilet bleu du Samu social, comme si je faisais partie des équipes de maraude. Je n’ai pas voulu prendre de notes devant eux, c’était surtout après coups, après chaque rencontre, que je le faisais pour ne pas les mettre mal à l’aise et conserver un contact naturel avec eux.
Certaines histoires vous ont-elles plus marquées que d’autres ?
Oui, notamment celle de Rachid, que je raconte dans l’album. Il ne voulait pas du tout recevoir d’aide donc c’était très compliqué de trouver une solution pour lui. Il était tellement tombé dans l’oubli de lui-même qu’il en avait oublié son propre corps donc il est resté à une place sans en bouger. Quand nous sommes allés le voir cela faisait trois mois qu’il ne s’était pas levé de sa place. Il faisait ses besoins sur lui, c’était assez marquant.
Votre reportage sur l’ONU ressemblera-t-il à « Chronique du 115 » ?
Pour le coup c’est différent parce que ce n’est pas moi qui écris le prochain livre sur l’ONU. « Une saison à l’ONU : au cœur de la diplomatie mondiale » sera écrit par Karim Lebourg qui a été correspondant à l’AFP pendant 5 ans aux Nations Unies à New-York. Je ne fais que les illustrations, c’est assez différent bien que je sois quand même allée à NY pour faire du repérage. Cette fois, je mets Karim en scène.
Banana Girl, KEI LAM, éditions Steinkis
Kei a grandi en France, partagée entre deux cultures : les dim sum et le camembert, la fête de la Lune et l’Épiphanie, le baume du tigreet l’eau bénite…
La vie n’est pas toujours simple pour une petite Chinoise à Paris, mais peu à peu elle se forge une identité faite de ces références multiples. Aujourd’hui, Kei revendique son métissage culturel et assume joyeusement l’étiquette de banane, jaune à l’extérieur et blanche à l’intérieur…
Chronique du 115
AUDE MASSOT PRÉFACE DE XAVIER EMMANUELLI, éditions Steinkis
Chronique du 115 est une plongée dans une réalité qu’on a du mal à regarder en face. L’exclusion. Ce reportage façon « caméra embarquée » est basé sur des interviews avec le fondateur du Samu Social, des rencontres avec ses salariés, des maraudes… Aude Massot livre un témoignage salutaire, parfois drôle, toujours humain. Elle nous éclaire sur cette structure et nous aide à voir ce qu’elle offre comme perspectives pour résoudre le problème de l’exclusion.