L’évolution du climat ne laisse pas indifférents les médias locaux dont certains engagent des initiatives au delà du suivi de la relation factuelle d’événements pour répondre à une attente de leurs publics ou la devancer. On l’a constaté, le 30 septembre dernier aux Assises internationales du journalisme à Tours, lors de l’atelier organisé par l’Ucp2f sur la prise en compte du climat dans l’information locale.
Il est frappant de noter que l’attention portée à l’attente de leurs publics est à l’origine de la décision prise par certains médias d’apporter une information plus élaborée sur ce sujet, au delà de l’actualité et des décisions institutionnelles.
Répondre à une attente des publics
« Il y a 6 ans, explique Sophie Casals de Nice Matin, nous avons demandé à nos lecteurs de choisir les thèmes sur lesquels ils souhaitaient avoir plus d’informations et nous nous sommes aperçus que les sujets d’environnements revenaient souvent ». Une newsletter a été lancée sur le thème « c’est déjà demain » qui permet aux lecteurs de partager leurs interrogations et leurs actions en ce domaine. « L’aménagement du territoire à l’échelon local, l’organisation des transports vus à l’aune du changement climatique mais aussi l’impact des appareils de climatisation pour donner quelques exemples des sujets d’intérêts qu’ils souhaitaient voir davantage traités ».
Même constat pour Catherine Simon à la suite d’une consultation des lecteurs de la Nouvelle République Loir et Cher. « Nous avons décidé il y a 2 ans, poursuit-elle, de constituer le groupe facebook Foutue Planète animé par 5 journalistes, 1 par département de notre zone de diffusion. Cela nous a permis de creuser avec une communauté d’internautes potentiellement intéressés certains sujets comme, par exemple, la prise en compte locale des effets du glyphosate ou la pertinence de favoriser la consigne des verres ».
Ouvrir l’information à tout le monde
Alexandre Marsat, journaliste, intervient sur le web. « Tout le monde, dit-il, peut en faire le constat, les idées reçues sont souvent sources de désinformation et, la plupart du temps, « les fake-news, les fausses nouvelles, ont pour base la contestation de l’analyse scientifique ». Du fait de leur croissance exponentielle, notamment via les réseaux sociaux, « nous avons décidé, nous aussi d’être présent sur ce terrain. Le site Curieux a ainsi été créé en 2018 par les musées des sciences de la région Nouvelle-Aquitaine et nous communiquons via Instagram et Tik Tok. Nous sommes dans une démarche d’éducation populaire pour aller vers un public qui est loin des sciences et ne va donc pas sur des médias spécialisés ». Avec une importance particulière aux questions qui peuvent se poser à l’échelon local. Des illustrateurs et des scientifiques participent à la rédaction avec 6 pigistes encartés. Ces derniers n’étaient pas forcément, au départ, des spécialistes en la matière de même que ceux qui se sont lancés dans les initiatives de Nice-Matin ou la République du centre mais tous ont trouvé matière à améliorer leurs connaissances.
De l’importance des ressources régionales
Prenons l’exemple des agences régionales de la biodiversité. Pauline d’Armancourt présente celle du centre Val de Loire mise en place en 2019 dont l’objet est de faire émerger des actions collectives de préservation des milieux et des espèces et à sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de la biodiversité.
Au delà d’un portail, accessible à tous publics, qui apporte énormément de connaissance sur la biodiversité régional, il est essentiel de donner les éléments d’information pour mieux comprendre ce qui se passe et appréhender ce qui peut arriver. D’où l’importance de travailler avec les médias locaux, insiste-elle. « Nous proposons des journées d’études sur un sujet avec tous les acteurs concernés, nous pouvons aussi proposer des formations adaptées, et également répondre aux questions qui peuvent se poser en fonction des réalités locales ».
Des ressources importantes pour des journalistes qui ne sont pas des experts mais doivent, en revanche, être suffisamment compétents pour traiter de sujets au delà de la simple relation événementielle surtout lorsqu’ils interviennent dans des rubriques plus spécialisées.
Cela passe également par la connaissance des acteurs locaux qui, comme l’indique Samuel Senave président de l’association France nature environnement Centre val de Loire, « peuvent apporter, outre la connaissance factuelle des sujets, les éléments de compréhension. Regroupant 16 associations départementales et locales nous avons une importante banque de données au plus près du terrain ».
L’agence de la biodiversité aussi bien que France nature environnement développent des actions avec des partenaires locaux, des collectivités territoriales, acteurs privés et publics qui peuvent aussi être sources (parmi d’autres) de veille pour permettre aux journalistes d’apporter à chacun les clés de compréhension de l’impact de l’évolution climatique au plus proche de soi.
Une affaire à suivre dans les clubs de la presse
Les échanges avec l’assistance, dont on ne peut ici donner tout le détail, ont montré la pertinence du sujet même si plusieurs questions n’ont pu être abordées en une heure et demi. Par exemple celle de la volonté des responsables de médias à reconnaître l’importance d’une meilleure sensibilisation des journalistes confrontés aux questions qu’ils ont à traiter comme l’environnement. Alors que la tendance est plutôt, du fait de la réduction des effectifs rédactionnels, de les envoyer sur tous les fronts de l’information sans même avoir un minimum de connaissances requises. Autre interrogation : si un média développe une information plus complète via un autre moyen, site et réseaux sociaux par exemple pour un média papier, comment permettre à l’ensemble de leurs publics d’y accéder ? Etc.
L’atelier des Assises peut ouvrir la porte à une poursuite de la réflexion au sein de chaque club pour que chacune et chacun intègre les enjeux de l’évolution du climat à l’échelle de son territoire et puisse constituer son réseau de connaissances afin d’apporter l’information la plus cohérente possible en ce domaine à leurs publics . Rien n’interdit d’ailleurs à ceux qui ont déjà mené des actions sur ce sujet de partager leurs expérience avec les autres clubs (*).
(*) s’adresser à r.hugon(at)free.fr ou richard.hecht(at)gmail.com
Légende photo :
Richard Hecht du club de Bordeaux a animé cet atelier pour l’Ucp2f avec la participation, de gauche à droite, de Samuel Senave, président de France Nature environnement Centre Val de Loire, Alexandre Marsat, rédacteur en chef du site Curieux !, Pauline d’Armancourt, responsable de la communication de l’Agence régionale de la biodiversité Centre Val de Loire, Sophie Casals, journaliste de solution à Nice-Matin et Catherine Simon, responsable départementale de la Nouvelle République Loir et Cher