C’est officiel, les journalistes pigistes peuvent bénéficier du chômage partiel. Un décret gouvernemental du 20 avril 2020 en précise les conditions. Dans un communiqué commun les organisations syndicales ainsi que les associations et collectifs qui se sont mobilisés pour obtenir cette décision souhaitent qu’elle soit immédiatement mise en œuvre dans les entreprises en attirant l’attention sur l’extrême diversité des situations auxquelles sont confrontés les pigistes.
« Le décret sur le chômage partiel des journalistes pigistes vient d’être publié. Il énonce clairement les conditions d’accès aux mesures gouvernementales dans chaque entreprise : avoir trois bulletins de salaire au moins sur les douze mois précédant les mesures de chômage partiel, dont deux sur les quatre derniers mois ou avoir collaboré au dernier trimestriel. Il ne rend pas exigible la carte de presse ni n’instaure de seuil de revenu pour en bénéficier.
Nous, organisations syndicales représentatives de la profession, collectifs et associations de journalistes, nous réjouissons de cet accès enfin facilité. Nous saluons l’arbitrage de Franck Riester, ministre de la Culture, pour protéger la profession dans toutes ses formes, et notamment les plus précaires. Ce résultat est le fruit de l’action des organisations syndicales, puis des associations et collectifs qui se sont mobilisés pour l’obtenir.
Nous, de manière collective et unitaire, demandons aux entreprises de mettre en place le chômage partiel des journalistes pigistes selon les règles qui viennent d’être fixées. Nous serons vigilants sur leur application dans les médias. Nous veillerons à ce que nul n’en soit écarté.
Nous avons déjà identifié des catégories de journalistes pigistes dont la situation est particulièrement compliquée :
- les journalistes pigistes des rédactions sportives et ceux spécialisés dans la culture qui, pour la plupart, sont sans travail depuis le début du confinement et parfois même avant ;
- les photographes qui, pour une grande majorité, se trouvent eux aussi sans travail du fait de l’épidémie. Alors qu’ils sont nombreux à travailler avec plusieurs statuts, leurs revenus salariés doivent évidemment être pris en compte dans les plans de chômage partiel des entreprises ;
- les « faux pigistes » qui travaillent postés dans les rédactions ;
- les journalistes pigistes avec de multiples et « petites » collaborations. L’absence de seuil de revenu oblige les entreprises qui les font travailler à les inclure dans leurs plans de chômage partiel ;
- les journalistes pigistes débutants, a priori les plus fragiles et aux revenus les plus faibles, et pour lesquels ces faibles revenus sont d’autant plus vitaux ;
- les journalistes pigistes travaillant à l’étranger pour des médias français. Alors que beaucoup sont déjà privés de couverture maladie, nous demandons que soient pris en charge les soins liés à la pandémie dont ils pourraient avoir besoin, ainsi que les autres soins qu’ils pourraient nécessiter puisque leur retour en France pour raisons sanitaires est impossible.
Nul ne doit être laissé sur le bord du chemin.
Nous demandons aussi que les journalistes pigistes laissés sans travail soient prioritaires au moment de la reprise, quitte à leur commander, dans un même groupe, des piges sur d’autres titres que ceux avec lesquels ils collaborent habituellement. Pendant cette période d’inactivité les journalistes pigistes doivent aussi pouvoir bénéficier, comme les journalistes mensualisés, des formations en e-learning mises en place dans les entreprises. C’est aussi le moment de tirer profit du large volant de compétences détenues par les pigistes.
Nous rappelons que les journalistes pigistes sont le plus souvent rémunérés après parution de leurs articles, que leurs salaires de mars et avril correspondent alors à des piges réalisées avant le confinement et que le confinement lui-même impactera leurs bulletins de salaire suivants. Nous demandons donc que les mesures de chômage partiel soient prolongées pour les journalistes pigistes au-delà du 31 décembre 2020 et aussi longtemps que nécessaire de façon à pouvoir compenser leurs pertes de revenus sur tous les prochains mois.
Les primes d’ancienneté professionnelle et maison/groupe faisant partie intégrante de la rémunération conventionnelle, elles doivent naturellement être prises en compte dans le calcul de la rémunération de référence des pigistes.
Nous demandons que pour les journalistes pigistes inscrits à Pôle emploi, leurs droits à l’ARE (aide au retour à l’emploi) soient maintenus pour toute la durée de la crise.
Nous demandons aux employeurs de contacter chacun des journalistes pigistes qui travaillent pour eux et de les informer des mesures mises en place. Nous rappelons fermement aux employeurs que ce sont eux qui ont décidé d’embaucher un certain nombre de journalistes en les rémunérant à la pige, ils doivent donc assumer leurs responsabilités comme pour tous les autres salariés, dans tous les domaines. Les journalistes pigistes ne sont pas une variable d’ajustement budgétaire.
Nous appelons les organisations patronales, Audiens et l’État à créer un fonds d’aide exceptionnelle pour soutenir financièrement les journalistes pigistes, travaillant de manière occasionnelle et ayant de multiples et nombreux employeurs, non-éligibles à l’activité partielle dans les conditions fixées par le décret. Ce fonds pourrait s’inspirer de celui mis en place pour les intermittents. Ce fonds ne viendrait pas se substituer au fonds d’aide sociale d’Audiens déjà mis en place et ne constituerait pas une échappatoire destinée aux employeurs récalcitrants à appliquer les mesures en faveur des journalistes rémunérés à la pige.
Le cas échéant, nous porterons les cas litigieux en justice chaque fois que nécessaire pour faire respecter le droit des journalistes pigistes de bénéficier des mêmes dispositions d’activité partielle que les journalistes mensualisés. »