L’Association des journalistes européens organisait le 6 décembre 2019 à Paris une conférence sur la liberté de la presse en Europe. A cette occasion, plusieurs organisations professionnelles (1) ont lancé un appel aux responsables politiques des pays européens, et aux institutions de l’Union européenne pour réagir face aux menaces qui pèsent de plus en plus sur la liberté de l’information en Europe.
Reconnaissant les efforts menés jusqu’à présent par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe en matière de respect de l’Etat de droit et de liberté de la presse, ces organisations estiment cependant que cela ne suffit pas à garantir un environnement sain et sûr pour que cette liberté puisse pleinement s’exercer. c’est la raison de cet appel qu’elles adressent aux responsables politiques des pays européens, et aux institutions de l’Union européenne en leur demandant :
- De s’attaquer au harcèlement judiciaire et aux “procédures bâillon” (‘SLAPP, strategic lawsuit against public participation) en adoptant des mesures législatives qui protègent effectivement les journalistes contre ces procédures, qui n’ont pour seul but que de limiter leur liberté d’expression, et en assurant un environnement favorable et sûr dans lequel les journalistes puissent travailler ;
- De mettre fin à l’application de sanctions pénales exorbitantes, notamment des peines de prison, dans les procès en diffamation dans tous les Etats européens ;
- De veiller à ce que les mesures de protection de la liberté et du pluralisme de la presse soient effectivement appliquées par l’Union européenne, également vis-à-vis des pays candidats à l’adhésion, en attribuant expressément ces compétences à un membre de la Commission européenne ;
- De veiller au pluralisme et à l’indépendance de l’audiovisuel public afin qu’il puisse jouer pleinement son rôle d’information au service des citoyens de manière inclusive et pluraliste, en mettant en place des garde-fous efficaces contre les interférences politiques, notamment en ce qui concerne les nominations à des postes éditoriaux ;
- De créer un mécanisme efficace d’alerte rapide contre toute violation de la liberté de la presse sur le modèle de la “Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes” du Conseil de l’Europe ;
- De garantir l’intégrité de l’espace public face à la diffusion des fausses informations, tout en préservant pleinement la liberté d’informer et la liberté d’expression
- D’imposer des garanties démocratiques dans l’espace numérique de la communication et de l’information, pour assurer que la liberté d’opinion et d’expression soit effective, ainsi que le promeut l’initiative “Information & Démocratie” lancée par Reporters sans frontières.
- De soutenir la “Journalism Trust Initiative”, également lancée par RSF, qui vise à favoriser la liberté, l’indépendance, le pluralisme et la fiabilité de l’information, ainsi que les autres initiatives et projets semblables émanant des autres organisations reconnues par la communauté journalistique
- De mettre en place dès la fin de l’enseignement primaire et dans le cycle secondaire des programmes d’éducation aux médias et à l’information ;
- Que le Parlement européen examine périodiquement le respect de la liberté de la presse dans tous les Etats-membres de l’UE, ainsi que dans les Etats candidats à l’adhésion, en particulier pendant les campagnes électorales ;
- D’élargir les pouvoirs du médiateur européen pour qu’il puisse vérifier le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux non-seulement par les institutions européennes mais aussi par tous ses Etats-membres ;
- Que les pays membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe mettent en œuvre sans tarder la Recommandation 2016/4 du Comité des Ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe “sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias” ;
- Que les pays membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe fassent en sorte que les Nations Unies : 1. adoptent la “Convention internationale pour la sécurité et l’indépendance des journalistes et des autres professionnels des médias” proposée par la Fédération Internationale des Journalistes, afin que les crimes et les agressions contre les journalistes dans le monde entier ne restent plus impunis, et 2. créent le mandat de représentant spécial du Secrétaire Général des nations unies pour la sécurité des journalistes réclamé par une coalition de plus de 100 organisations et médias.
Une presse libre et indépendante est la meilleure garante du bon fonctionnement des institutions démocratiques, et un rempart contre les dérives autoritaires et les manipulations de l’opinion publique. Il est de l’intérêt de tous qu’elle le demeure et du devoir des autorités de faire en sorte que ce soit le cas.
(1) la présentation de cet appel sur https://ajefrance.fr/?p=591